Rosans et le Rosanais

Vue du village de Rosans depuis les hauteurs

La famille d’Yse, seigneurs de Rosans de 1600 à 1789


Ce nom est orthographié d’Yse, D’Ise, Dise où Dyse. On rencontre même les trois orthographes dans l’acte de baptême de Jacques, le seul de la famille né à Rosans le 23 septembre 1697.

Les armoiries de la famille étaient « d’argent, au lion de gueules, à la bande d’azur chargée en chef d’une fleur de lis d’or, brochant sur le tout« . Leur devise « deo duce ferro comite » (Dieu pour guide, l’épée pour compagne) figure toujours sur le fronton de la porte d’entrée intérieure à la cour du château, accompagnée de la date : « MDCXII – le X Aoust » (10 août 1612). Mais il y a une vingtaine d’années, le propriétaire de l’époque, inconscient, a bêtement martelé cette inscription qui n’est presque plus lisible.

Le cachet de la Mairie de Rosans, réalisé vers 1929 à l’impulsion du maire Jules Armand, reprend cette devise, mais il la réunit aux trois roses figurant dans les armes de la famille de Rosans. Un sceau rond de 36 mm, appendu à un acte de 1283, concerne Jordan de Rosans.

La famille d’Yse, d’après Nostradamus, est originaire d’une paroisse appelée « Yse, de la comté et de l’évêché de Nice, bâtie sur un rocher au bord de la mer en Provence ». En 1238 leur terre est incluse « dans le dénombrement, partie cinquae des terres de la Comté ». En tête de leur arbre généalogique, en 1245, on trouve deux frères, Rostang et Ferrand de Ysia, ayant les titres de Seigneurs de Monaco, de la Turbie, de Berre, et d’Ysia. Par deux fois, en 1247 à une date non précisée, et le 24 février, ces deux frères font hommage de ces terres à Charles 1er d’Anjou, qui porte le titre de Roy de Naples et de Sicile, Comte de Provence. En 1271, le 24 janvier, ils prêtent hommage à Nice et se fixent en leur manoir d’Eze. Eze fait partie du diocèse de Nice depuis l’an 1002, date où apparaît la première mention des évêques du lieu, qui seront au nombre de trente trois, de 1002 à 1500. L’un d’eux, on ne sait pas lequel, eut un fils, Isnard de Ysia, Seigneur de Puget Treize Dames, qui, le 17 juin 1309, fit hommage de sa terre à Robert, Roy de Naples et de Sicile, Comte de Provence. Mais c’est Guillaume d’Eze, qui fut véritablement consacré, le 24 mars 1331, par le bailli seigneurial, Raymond Figuria. Un autre membre de la famille, Louis de Ysia, eut la même démarche, le 16 décembre 1374, à l’endroit de la Reine Jeanne.

Le village d’Eze, juché sur son promontoire, Côte d’Azur
Premier blason de la famille d’Yse

Après l’hommage de 1247 au Comte de Provence, Rolland et Ferrand d’Yse accompagneront en 1264, Charles, Comte de Provence, à la conquête du royaume de Naples et de Sicile. Ils firent un long séjour à Naples, et y laissèrent leur postérité, en particulier Pierre Cossa d’Yse, comte de Bellantos, que cite Nostradamus. C’est en 1297, que Francesco Garibaldi, issu d’une importante famille de Gênes, déguisé en moine, s’empare du rocher de Monaco, où il fera souche.

Entre temps, en 1414, la « gens d’Eze indisciplinée comme il convient, jamais aux ordres, fidèle à des principes supérieurs, se débarrasse des Yse, mais aussi des Riquier, en leur payant une rente annuelle de 68 florins d’or. La paix n’a pas de prix, mais les mauvais maîtres, oui, grâce à Dieu ».

Carapace d’Yse revint vers le pays de ses ancêtres vers 1400 et s’établit à Marseille, où il se marie à Lunette de Boniface le 6 juin 1423. C’est à lui, et à Jacques d’Yse son fils, qu’en mai 1424 Louis III, Roy des Deux Siciles, Comte de Provence, fait le don des Îles de la mer de Marseille, et du droit de ban (c’est à dire la charge de faire les proclamations officielles) de Marseille, en récompense « de signalés services rendus, tant par mer, que par terre », ainsi qu’il résulte des lettres patentes concédées à Averso, dans le Royaume de Naples. C’est ainsi que les Îles de la mer de Marseille devinrent, par déformation du nom, les Îles d’If, les Yse offrant leur nom à la romantique et mystérieuse île, d’où surgira à la renaissance le château d’If. Carapace mourut à Marseille, et fut enseveli dans une chapelle de l’église Cathédrale de Sainte Marie Major.

Honoré d’Yse était le 3 novembre 1468 Premier Consul de Marseille, Viguier de Tarascon. Puis il devint Premier Consul de Tarascon, le premier dimanche de février 1477.

Un certificat, en parchemin, du 8 juillet 1667, justifie que les d’Yse ont suffisamment prouvé leur noblesse par leurs titres. Une liasse, figurant à l’inventaire de François D’Yse, regroupait ces 35 titres.

C’est le premier mai 1600 que Jean-Antoine Dyse, seigneur d’Ancelle, fils de Jean Dyse, de Vaulmes et de Jeanne d’Orcières, de Valenson (mariés le 28 avril 1555) signe l’acte d’achat du Château de Rosans, « Juridiction Haute, Moyenne, Basse, Mère, Mixte et Impaire, etc. ». Le vendeur, Lesdiguières, qui avait acheté en 1593 le château de Vizille (il n’achètera que 8 ans plus tard le marquisat qui va avec) fait écrire dans l’acte que « les deux grandes tours, l’une près de l’autre, avec leurs régales, sont inhabitables et presque démolies ». Le prix d’achat est de 60 000 livres, dont 45 000 livres seront payées en deux fois, le 6 décembre 1599 et le 23 avril 1600 ; le solde, soit 20 000 écus (livres et/ou écus ! ! ?), est payé le 2 mai. Le contrat a été reçu par Maître Roux, notaire.

On distingue en noir sur ce plan, tiré du cadastre de 1834, les deux tours et l’église Saint-Arey.

En 1609, le 4 décembre, Jean Antoine achète à Jean de Morges, seigneur et prieur de Lagrand, seigneur (en partie) de Rosans, tous les biens qu’il possède à Rosans, terres et juridiction, comprenant deux grandes Tours (donc vendues pour la deuxième fois !!!! ) . Le prix d’achat est de 39 000 livres, dont 6000 sont réglées le lendemain 5 décembre. Jean de Morges, qui détenait de ses parents une partie de la seigneurie, avait acheté, quelques années plus tôt, une autre partie de ces biens au Capitaine Jean Ruelle, de Serres. Sa famille était originaire de la région de Voiron, qui est arrosé par une rivière, la Morge.

Fidèle lieutenant de Lesdiguières, Capitaine de ses Gardes, Jean Antoine d’Yse – on l’appelait le Capitaine Rosans – obtint le 23 janvier 1595 le Brevet de gouverneur de la place forte d’Exilles, de l’autre coté des Alpes, puis il fut nommé, le 15 janvier 1601, nomination confirmée le 2 mars 1613, Gentilhomme ordinaire de la Chambre du roy Louis XIII. Au nombre de ses exploits, il avait mis en déroute en 1597 une bande de 1500 Italiens qui cherchaient à envahir le Dauphiné par le col du Montgenèvre. Il s’était également signalé en 1598 lors de la prise du fort Barraux aux frontières du Dauphiné et de la Savoie.

Marié deux fois, le 29 décembre 1593 avec Benoîte Dubout, puis le 17 août 1606 avec Marie de Rivière, il semble avoir eu plusieurs enfants légitimes, René, François, et Madeleine et deux enfants naturels, Alexandre et Suzanne, qu’il légitima. Alexandre, fils d’Hélène Bourdet, de Chaumont, sa chambrière « encore qu’il soit incertain qu’il soit son fils » (testament). Cet Alexandre sera pasteur de l’Église Reformée à Crest et à Die. Et Suzanne « fille naturelle qu’il a accepté pour l’honneur de Dieu, encore qu’il soit incertain, si, ou non, elle est à lui » (testament).

C’est son frère Pierre qui administrera, après la mort de Jean Antoine, les biens de son neveu, il en rendra compte le 15 février 1623. Le testament de Jean Antoine, fait à Oulx, est daté du 18 août 1616, il fut sans doute tué dans un duel par Bertrand de Genton.

Ce fils François, marié avec Suzanne de Renard (contrat de mariage du 17 novembre 1633), seigneur de Rosans et de Châteauneuf de Mazenc (entre Dieulefit et Montélimar), sera conseiller du roy au Parlement de Dauphiné, et bénéficiera le 12 avril 1672 d’une commission pour une Compagnie d’infanterie du Régiment de Picardie. Un soldat du régiment de Picardie décédera à Rosans le 17 juin 1672. Le curé de Rosans, dans l’acte de décès, n’indique pas de nom, mais simplement qu’il a été trouvé malade, dans une grange, et qu’il est âgé de 18 / 20 ans. Il n’est pas obligatoirement lié à François d’Yse, car on signale le régiment de Picardie en mai 1665 à Nyons, puis un peu plus tard à Gap, où les hommes de ce régiment ravagent les campagnes. C’est la crainte des huguenots qui amena ces troupes dans les Baronnies. À cette époque les soldats n’étaient pas hébergés dans des casernes, cela viendra plus tard, à partir des années 1726 pour les premières, par exemple à Romans. A Gap, c’est en 1761 que la caserne devait être terminée, mais les travaux s’interrompirent, et en 1784 on n’en parlait plus : on avait dépensé 180 000 livres en pure perte. C’est à l’initiative des villes, Vienne en particulier, que ces constructions furent proposées, et financées, car les villes devaient assurer la nourriture et le logement des troupes, ce qui représentait des sommes assez considérables : à Gap un régiment de 500 hommes coûtait 96 573 livres en 1746.

Revenons à François et Suzanne de Renard, qui auront huit enfants : Jacques, qui prendra la suite de son père au Parlement ; Pierre sieur de l’Estang, capitaine au Régiment de Turenne, qui sera tué en 1657 au siège de Dunkerque ; François, qui héritera de Rosans, comme on le verra ci-après ; Charles, cornette au régiment de Béthune ; Justine, qui épousera Jean François, seigneur de La Roche ; Marie, qui épousera Jean de Caritat, d’Orpierre, seigneur de Condorcet. Enfin Ester et Marguerite.

Jacques d’Yse, qui était vibailli du Gapençais, était en procès avec le clergé du Diocèse. Il voulut intervenir dans les affaires de conversions, organisées par les Capucins de Sisteron, mais fut récusé car il était protestant.

François, un des fils du précédent (son nom est orthographié Dyse et il signe Dyse, sur le registre paroissial de Rosans), capitaine au régiment de Picardie, marié à Dame Lucrèce de Chabrières, déclare le 26 octobre 1697 la naissance d’un fils, Jacques : Jacques d’Yse (sic). Le parrain en est Jacques Dise (sic) seigneur de Saléon, baron de Châteauneuf de Mazenc, Président à mortier du Parlement de Dauphiné. Un premier fils, Jean Baptiste, né le1 juillet 1695, n’avait pas vécu, baptisé et enseveli le même jour, dit le curé. C’est son second mariage car il avait épousé le 19 décembre 1676 Lucresse Tholosan. Il mourra François d’Ise (sic) à Rosans le 19 novembre 1702.

Ces trois actes, naissance et décès, sont les seuls actes concernant cette famille, mentionnés par le curé de Rosans. L’absence d’autres actes semble indiquer que François d’Yse abandonne vers 1697 au plus tard, la religion protestante pour se convertir au catholicisme. En fait les d’Yse, comme la moitié des nobles du Dauphiné, deux cents familles environ, vivaient une grande partie de l’année à Grenoble.

L’inventaire de ses biens, document qui est conservé à la Mairie de Rosans, a été fait du 26 avril au 7 mai 1703, par Laurans Bonnevant, bachelier en droit, notaire royal, reçu en la cour des Parlements de Dauphiné, résident en la ville de Valence. C’est cet inventaire qui est la source principale des éléments chiffrés et datés, donnés ci-après. Il a été fait « en la présence et assistance de noble jacques D’Ise, Seigneur de Saleon, ancien président à mortier au dit Parlement de Grenoble, de noble Charles D’Ise, de l’Estan, coseigneur de Seyssinet, ses frères, et noble François de Chabrières, frère de la dite Dame, son épouse, et a défaut du dit Seigneur de Saleon, en présence de messire François D’Ise, seigneur de Chateauneuf, président à mortier du dit Parlement, son neveu »

Tout au long de ces années la maîtrise foncière des D’Yse s’accroîtra régulièrement. Ils achèteront :

  • à Liotier, le 27 septembre 1622, une maison, un jardin et des granges, pour 1 350 livres
  • à Pierre Laget, le 12 février 1644, le domaine de la Rose pour la somme de 4 000 livres
  • à deux de mes « grands-mères « : à Catherine Brunel, de Lemps, veuve de Louis Givodan et à sa bru Jeanne Faucon, de Valernes, près de Sisteron, veuve de François Givodan, une grange à Raton et plusieurs pièces de terre pour le prix de 279 livres
  • à Antoine Roman, le 21 février 1684, un pré et une terre à Raton pour 90 livres
  • un fonds à la Rose, le 8 décembre 1685, pour 140 livres
  • Une bonne trentaine d’actes d’achat de terres, prés et maisons, sans mention de prix, sont répertoriés dans l’inventaire, et en particulier une chènevière à Merdaric, vendue par Jacques Barre. Cette chènevière, c’est à dire un champ où on cultivait le chanvre, fut anéantie par la crue de 1868 qui l’avait couverte de graviers.

Il faut y ajouter des droits de rétention pour dettes non remboursées. C’est ainsi que deux frères, François et Florent Boutin, qui doivent 852 livres au seigneur, sont dépossédés de leurs biens, estimés à 902 livres. Il s’agit du logis de l’Écu de France, ses dépendances, bâtiments et fonds, qui sont indiqués, « acquis des Boutin » dans un contrat d’arrentement. À cela s’ajoute de nombreux échanges, par exemple le 29 septembre 1629, un pré appelé l’hospital contre une terre à Catelane. On trouve également une quittance, du 16 janvier 1702, de 4 livres pour la pension donnée aux pauvres du lieu.

Les obligations dépassaient souvent le cadre de Rosans, par exemple le seigneur de Montferrand cède le 16 juin 1702 au seigneur de Rosans toutes les censes, rentes réelles et personnelles, tant en grain, argent, poules, qu’autres choses mentionnées, pour apurement des dettes du seigneur de Montferrand. Les censes étaient à l’origine un droit que percevait le seigneur sur les terres qu’il concédait, où laissait aux paysans.

Toutes ces possessions n’avaient pas le même statut. En effet les biens achetés à Lesdiguières et à Jean de Morges composaient presque tout le domaine noble du seigneur. Un certificat, du 21 mars 1641, précise que ces fonds sont exempts de taille, suivant le règlement de Lyon. Par exemple, un autre certificat, du premier octobre 1700, des Châtelains, consuls et principaux, du lieu de Rosans, justifie que ces biens n’ont pas été compris dans le cadastre de la Communauté. Les biens roturiers, par contre, c’est à dire les biens acquis, ou confisqués aux habitants non nobles, étaient inscrits au parcellaire de la Communauté, et payaient la taille : 47 livres, 3 sols pour l’année 1688. La taille était un impôt arbitraire, royal, seigneurial, et municipal. En Dauphiné elle était « réelle », c’est à dire qu’elle s’appliquait à toute terre, dûment enregistrée dans un cadastre, dont la valeur estimée servait à fixer l’impôt. Les terres appartenant aux privilégiés en étaient exemptes, mais les terres roturières achetées par des nobles y étaient soumises. Le problème des tailles, théoriquement réglé par l’arrêt de Fontainebleau de 1634, mis un siècle à se résoudre, car il fallut établir dans chaque communauté un cadastre, et le tenir constamment à jour. L’autre impôt payé par les paysans, était la dîme, qui avait été créée en 585 au concile de Mâcon. S’appliquant aux récoltes, elle était directement perçue par l’église pour entretenir son clergé, ses bâtiments et ses institutions charitables. On connaît les proportions de la dîme pour la paroisse d’Eze, fief des d’Yse, pour l’année 1423. Soit 1/15e du blé, des céréales diverses, et autres légumes. 1/20e du vin, du lin, du chanvre, et des « nadons » (agneaux et chevreaux). Puis 1/30e des figues, olives, et caroubes, (caroubes, qui étaient une culture vivrière à Eze).

Les seigneurs ne travaillaient pas directement leurs terres et les louaient sous forme « d’arrentements », en général pour quatre années. Ces arrentements, ou bail à ferme, étaient payés en argent, ou en nature, ou souvent sous les deux formes, mais comportaient parfois, en plus, des corvées. Une autre forme d’exploitation, le métayage, exigeait du preneur l’abandon d’une partie fixe de la récolte, le partage des fruits par moitié, et quelques corvées.

Les seigneurs déléguaient une partie de leurs obligations au châtelain, c’est à dire à un régisseur. On trouve, en effet, une cession pour le seigneur de Rosans, passée par le châtelain, Jean Gros.

Voici quelques-uns uns de ces principaux arrentements :

  • le 17 avril 1685, arrentement du moulin à huile à Jean Mathieu, chapelier, pour 250 livres d’huile de noix et une eyminée d’épeautre mondée.
  • le 1 avril 1677, arrentement de la grange de Raton, à Antoine et Jean Richaud, 22 ½ charges de froment, mesure de Rosans, bon blé payable à la fête de Toussaint, et dont le capital consiste en 4 trenteniers, 12 gelines, et un coq, 200 œufs, et 5 chapons, portant que la rente du bétail est de 60 livres, la première année, et 75 les suivantes.
  • le 28 février 1688, albergement et faculté d’un four, passé à Claude Brunel, pour 2 eyminées, 4 cuviers de froment de cens. Le cens était la redevance due au seigneur par les tenanciers.
  • le 17 mai 1697, arrentement du logis de l’Écu de France, et dépendances, à Elie et Abraham Barre, pour la somme de 300 livres par an, et un louis d’estreine ( le louis d’or valait, précise-t-on par ailleurs, 12 livres, 6 sols pièce), le dixième du chanvre, et le pâturage du bétail étranger. En 1758, le fermier, qui se nommait Jean Baux, était de la Motte-Chalencon. Le logis de l’Écu de France, qui se trouvait à quelques mètres en dessous du chemin qui reliait Nyons à Serres, que l’on appelait récemment encore le chemin étroit, était une auberge, destinée à loger les gens de passage. Devenu hôtel de l’Écu de France, il a survécu longtemps, géré à la fin de son parcours par la famille Pinet, qui a préféré le service des cars. Mis en gérance, il s’est finalement éteint dans les années 1990, trop vétuste pour rattraper le présent.
  • le 2 mars 1702, arrentement de la maison, grange, et domaine de la Rose, et dépendances, à Philibert Laget pour 120 livres par an, 400 œufs, 8 chapons, 1 pourceau gras de la valeur de 12 livres, la feuille des mûriers, et, outre ce, la moitié de tous les grains, qui se percevront annuellement, et sur la moitié du-dit rentier, le seigneur prélèvera 6 eyminées et 2 cuviers de froment, et partageront tous les fruits et noix des arbres. Le rentier promet de payer 8 livres, pour la rente du pré, joint au dit domaine, acte passé par sa mère le 26 janvier 1698.
  • le 9 juin 1697, arrentement du domaine de la Coste, avec dépendances, à Jacques et Antoine Guillaume, père et fils, sous la cense annuelle de 20 charges de blé de froment, mesure du dit Rosans, 6 chapons, 240 œufs, 1 pourceau de 15 livres, 15 annouges …. ou 45 livres ensemble.
  • le 19 février 1690, arrentement des moulins de Colombet, sous la rente annuelle de 28 charges de froment, une charge allier, 5 annouges mâles ou 15 livres, 200 œufs, 4 chapons et 4 paires de poulets (Une partie de ce moulin avait été échangée le 3 juin 1618 contre une terre au Plan de la croix). Ce moulin était au bord de l’Eygues, face à Pieleger, en dessous de la Coste.
  • le 10 janvier 1701, arrentement pour 6 ans du domaine du château et de ses dépendances à Jean Jacques Galland, du lieu des Prés de Valdrôme, pour la rente annuelle de 1 900 livres, 1 pourceau gras de 30 livres, 1 paire de chapons, 42 charges de blé froment, pour rente du vingtain, demi-quintal de chanvre, et 60 livres de fromage. Baille (donne) le dit seigneur, pour subvenir à l’avance, de capitaux d’engrais, 600 livres, et 240 livres, pour capitaux de bœufs, et autres capitaux mentionnés.
  • le 19 mai 1701, arrentement du Serre d’en Faure, à Gabriel et Antoine Leautier, au prix de 54 eyminées de froment par an.

Lors de l’inventaire d’avril – mai 1702 le notaire a constaté la présence, dans les caves du château, de 4 grands tonneaux de vin, appartenant au fermier principal. De 15 autres tonneaux, dont 5 vides, 3 sont réservés pour la boisson de table de la demeure, 2 pour les domestiques. Les 5 derniers sont inscrits à l’actif de la succession. En 1687, le 27 avril, défense avait été faite aux habitants de Rosans d’apporter aucun vin étranger, tant que celui du lieu durera, à peine de confiscation du vin, assorti d’une amende de 100 sols.

Cinq chevaux se trouvaient dans deux écuries, l’un de poil isabelle, qui pouvait valoir 75 livres, trois autres, bai, gris et rouge, de 8 à 9 ans, plus un poulain.

Une estimation des biens du seigneur, qui devait être Jacques D’Ise, faite le 5 juillet 1735 (pour servir d’assiette à l’impôt du Dixième qui frappait les privilégiés) mentionne que le revenu de ces biens et droits était pour Rosans de 1 741 livres. La fraude fiscale ayant toujours existé, peut-on lui faire confiance ? Certainement pas, car le total des sommes indiquées plus haut, sans compter les payements en nature, se monte déjà à 2 441 livres.

A cela s’ajoutait le revenu de ses autres propriétés : 700 livres pour Livron; 800 livres pour Seyssins, Saint Nizier et Lemps ; 370 livres pour Crest ; 900 livres pour Ancone (représentant le quart des péages d’un pont sur le Rhône prés de Montélimar). Soit au total un revenu de 4 512 livres.

Il semble peu probable que ce soit les d’Ise qui aient créé un hôpital à Rosans. Toujours est-il qu’un hôpital fonctionnait à Rosans, très mal en point, d’ailleurs, à la veille de la révolution, comme l’indique le cahier des doléances. On retrouve plusieurs fois, dans divers documents, la mention d’hôpital. Par exemple Françoise Germain, âgée de 65 ans, décédée le 24 septembre 1731, laisse tous ses biens à l’hôpital. Les deux consuls modernes, peut être par reconnaissance, suivent son convoi funèbre.

Quelques années plus tard, le premier août 1738, Vincent, le curé archiprêtre de Rosans, relate la mort « dans la rue, sur les dix heures du matin, de Claude Rafin, châtreur de son métier, originaire de Savoye, lequel avait toujours donné les marques d’un bon catholique, les différentes fois qu’il avoit passé dans cette paroisse, assistant avec beaucoup de dévotion à la sainte messe ….. après son décès au milieu de la rue, son corps a été porté à l’hôpital, par les consuls modernes, qui ont assisté à son convoy, de même que les pénitents blancs de la paroisse, le tout gratis pro deo. Le corps, avant d’être porté à l’hôpital, a été visité par un des consuls … lequel a déclaré que le dit Claude Rafin était mort d’un accident. On a trouvé dans ses poches, des heures dédiées au roy, deux rasoirs, une eguille et trente trois sols. Une mauvaise veste, qu’il portait, avec une paire de culotes de toile, et ses souliers, ont été donnés à ceux qui ont fait la fosse. » Ont signé Vincent, E Chabal, Faucon et Reynier.

Ainsi « le 1 avril 1748 a été enseveli Jean Mielou, originaire de Vitrolles, décédé le jour précédent dans l’hôpital de la dite paroisse. « Cet hôpital ne semble pas avoir survécu à la révolution, et au départ des Dyse, car le maître chirurgien Antoine Gresse, marié à Suzanne Giraud, a alors quitté Rosans pour suivre les armées de la République. Dans l’inventaire du 1 avril 1789, il est signalé en ruine. D’aucuns disent que cet hôpital se trouvait dans la maison Truphemus, mais l’inventaire de mai 1703, semble indiquer que cette maison est la propriété de l’avocat de Colombe, ce qui détruit peut être cette hypothèse.

La seigneurie de Rosans restera dans la famille jusqu’après la révolution. Le tenant du titre, de 1772 à 1788, Claude Artus était le fils de Jacques, qui fut un des Présidents du Parlement de Grenoble. Jacques, marié, en 1728, avec Philippine De Gratet du Bouchage, moura en 1768. Ils auront, outre Claude Artus, dix enfants : Madeleine, Louis (1737), estropié au siège de Mahon, Françoise (1729), mariée en 1744 à André de Miribel, Ursule Justine (1733), François Joseph (1734), Suzanne, entrée en religion, Anne (1739), Jacques (1740), Sébastien.

Claude Artus, né vers 1731, non pas à Rosans, mais peut être à Grenoble, était lui aussi Conseiller au Parlement de Grenoble. Il était un noble éclairé, qui avait participé aux décisions de l’Assemblée de Grenoble, du 14 juin 1788. Il avait propagé ses idées à Rosans, Saint André, et Sorbiers. Au cours de l’été 1789 il prit peur, comme tous ses collègues, conseillers, mais aussi seigneurs, et possesseurs de biens, et se réfugie, alors, à Livron, près de Valence, où Il est mort au début des années 1800. Il a perdu, comme il se doit, tous ses droits seigneuriaux d’ancien régime, mais il conserve ses biens à Rosans, et demeure le plus grand propriétaire de la commune : son imposition se monte à 1 600 livres.

Il fut inscrit, bien qu’il n’ait jamais quitté le territoire national, sur la troisième liste, en 1793, des émigrés des Hautes-Alpes, en même temps que Meynier de Moydans, un certain Donis de Sorbiers, et un Agoult, dont les biens se trouvaient à Chanousse et Montjay. Cet Agoult semble être le Chanoine Henri d’Agoult, et non François, prieur commanditaire, pensionné, et retiré à Serres. Leurs biens furent mis sous séquestre.

En novembre1793, Claude Artus est emprisonné à Valence et gardé jusqu’au 13 octobre 1794. Puis il arriva, grâce aux interventions des communes de Valence, et de Livron, du département de la Drôme, … et du gardien de prison de Valence, qui lui fournirent les certificats de résidence, ou notoriété nécessaires, à se faire rayer de la liste des émigrés : d’abord le 7 janvier 1795, par décision provisoire du district de Serres, puis définitivement par l’arrêté du 2 mai 1798, qui enregistré le 15 mai suivant, en fait foi. L’arrêté indique qu’il est domicilié dans la Drôme et « privé de la vue ». Entre temps il avait réussi, peu avant sa mort, en 1798, et non sans mal, à vendre ses biens de Rosans : nous en reparlerons plus loin. Je n’ai pas trouvé trace d’un éventuel mariage. C’est la fin de l’histoire des d’Yse à Rosans.