Rosans et le Rosanais

Vue du village de Rosans depuis les hauteurs

Une étrange maladie à Veynes en 1630, vue par André Rancou, un de mes ancêtres


Peste ou plutôt autre chose : par exemple le charbon (anthrax), car une épidémie de peste est beaucoup plus mortelle. André Rancou parle seulement de 5 cas, c’est donc une très petite épidémie.

La grande peste, qui dura de 1347 à 1354, mais seulement en 1348 et 1349 en France, aurait fait 25 millions de morts en Europe occidentale : la moitié de la population.

Les épidémies de choléra, maladie voisine de la peste, avaient fait à Rosans, sur une population plus de cinq fois plus faible, 23 morts en 1835 et 38 en 1834.

Présentation

L’apothicaire André Rancou, de Veynes, a rédigé en juin 1632 un « Mémoire des vizites par moy faites aux mallades que Dieu a voullu viziter de la Maladie contagieuse lanée 1630 », décrivant ses visites aux malades dans la région de Veynes. Le dernier paragraphe semble écrit par Jacques Reynaud, qui signe ainsi son solde de tout compte.

Ce mémoire a été rédigé pour les consuls de Veynes, pour obtenir le payement des actes (articles) médicaux qu’il avait réalisés. Soit une livre douze sols par acte, c’est-à-dire dix sept livres douze sols, pour onze actes. Il semble que Jacques André ait été réglé le 5 décembre 1631, André Rancou le 4 février de la même année, et Jacques Reynaud, le 4 juin 1632.

Ce mémoire a été découvert aux Archives Départementales de Gap par Mme Christine ROUX. Il est annexé a la séance du 17 août 1630, de la communauté de Veynes.

Elle en fait état dans son livre sur l’Histoire de Veynes. Nous la remercions ici de nous l’avoir communiqué. Je n’ai pas encore réussi à le retrouver, car il n’est pas classé où il devrait être.

La transposition donnée ci-après page suivante, été faite, en janvier 2006, par Mme Marie Françoise Allouis.

Le Personnel de Santé

André RANCOU, apothicaire à Veynes, était domicilié rue sous-le-Barry (actuellement n°6 rue Jean Jaurès). Il mourut après 1648, laissant plusieurs filles :

  • Isabeau mariée en 1648 avec Alexandre ERGOUD, puis le 29 avril 1660, avec Maître Balthazard Anglès, avocat à la cour.
  • Marguerite mariée en 1648 avec François SAURET de Gap
  • et probablement Françoise, mariée avant 1644, avec Jacques ANDRÉ (nos ancêtres).

Jacques ANDRÉ, chirurgien et apothicaire à Veynes, était domicilié aussi rue sous-le-Barry (actuellement n°22 rue Jean Jaurès). Il meurt après 1632, laissant :

  • Jacques, maître chirurgien à Veynes, marié une première fois avec Françoise RANCOU, puis en 1661 avec Jeanne GARCIN. Leur fille Anne épousera François AGLOT, un chirurgien venu de Jametz dans le département de la Meuse, qui, installé à Corps, aura une longue descendance, dont nous faisons partie.
  • Pierre, apothicaire à Veynes marié en 1666 avec Isabeau PASCAL

Jacques REYNAUD, chirurgien à Veynes, était de confession protestante. Il est vraisemblablement le fils de Maître Jacques REYNAUD, de Veynes, chirurgien et de Marie SERROBET, fille de Manuel, et de Thonille ARNAUD (Contrat de mariage du 27 mars 1583)

Les Visites

Le 30 juillet 1630, la mort subite du curé de Châteauvieux alerte le bureau de santé de Veynes qui engage alors le chirurgien Jacques ANDRÉ et l’apothicaire André RANCOU pour examiner le curé. Ces derniers ne lui trouvèrent aucune marque du « Mal contagieux ».

Le 16 août 1630, la servante de Michel FABRE « se trouvois mal ». Jacques ANDRÉ, André RANCOU & le chirurgien Jacques REYNAUD vont la « viziter », lui interdisant dans un premier temps de sortir de sa maison. Deux heures plus tard, ils lui trouvent « deux charbons pestilenciels à la jambe droite ». Elle est ensuite conduite à « l’infirmerye ».

Le 27 avril 1631, André RANCOU examina « la femme de Msr DAVID fille de Msr Jouseph COURNAND », qui présentait une « grand febvre », « avoyt une parolle tremblotante et un regard esgaré », il lui interdit alors la sortie de sa maison. Le lendemain, sa situation s’aggravait : sa fièvre et ses tremblement augmentaient, le tout accompagné « dune grande doulleur de teste ».

Le 29 avril, André RANCOU visita le fils du BARBAREZ, « atain dun bubon et un petis charbon a la hautoir du foye du costé droit », il lui interdit là encore la sortie de sa maison. Le lendemain « de bon matin », il présentait « une grande doulleur (de) teste », l’apothicaire lui donna alors « deux emplastides », vraisemblablement deux emplâtres.

Le 1er septembre 1631, Jacques ANDRÉ & André RANCOU se rendirent à Saint-Marcellin, hameau de Veynes, chez Marguerite PARA ,« laquelle estois morte », sans rien lui trouver.

Le 24 juillet 1631, André RANCOU & le sieur DAVID visitèrent Barthélémy ODOU de Manibou, hameau de la Cluse, et lui trouvèrent un charbon.

Le 27 juillet , le veuve du sieur Jacques THUR (?) de Saint-Marcellin, présentait elle aussi un charbon.

EB novembre 2001 – texte de Cyril Royer


Transposition du mémoire

Mémoire des visites par moi faites aux malades que Dieu a voulu visiter de la maladie contagieuse en l’année 1630

Primo, du dixième juillet dite année, M° Jacques André et moi avons été députés par le bureau de Santé le Sr Pierre Roubaud curé de Chateauvieux lequel était mort subitement. Mais point ne lui avons trouvé aucune marque de mal contagieux pour ce demandé.

 Plus, du 15 août année 1630, Monsieur Mass… Capitaine de Santé de ce lieu de Veynes, ayant eu notice comme la servante du Sr Michel Feron se trouvait mal,

le conseil aurait député M° Jacques Reynaud et M° Jacques André et moi, pour visiter icelle, à laquelle n’avons rien aperçu qui ne donne connaissance de la maladie.

Mais attendant que Nature nous donne plus…

de connaissance de ce que s’en sera, lui avons interdit la sortie de la maison et un autre qui était avec( elle) . Et ainsi l’avons rapporté et pour ce demandé.

Plus, environ deux heures après la susdite visite, sommes allé voir ladite servante et trouvé à icelle deux charbons pestilentiels à la jambe droite, ce que nous aurions rapporté au conseil, pour y pourvoir et le plus promptement que faire ce pourra, vu que hors la Grâce de Dieu nous n’en pouvons espérer que la Mort.

Plus, audit jour, environ la minuit, avons encore été députés pour aller encore aviser la visite du mal de ladite servante. Ayant trouvé la chose n’être que trop vraie et partimes la conduire à l’infirmerie et pour ce …

Plus, du 27 ème avril 1631, le Sr consul Bernard ayant eu notice comme la…

femme de M° David , fille de M° Sr Joseph Cornand , se trouvait mal, icelui m’aurait requis de m’en visiter icelle, à laquelle n’apparaissait qu’une grande fièvre. Mais , attendu qu’elle avait un parler tremblotant et un regard égaré, lui aurais interdit la sortie de sa maison et à tous ceux qui étaient dans icelle avec elle.

Plus, du lendemain ; à la réquisition dudit Sr consul Bernard, l’ayant trouvé à la place, icelui m’aurait encore requis de m’en aller encore voir ladite Cornand pour voir l’état auquel elle était. Et , trouvé à icelle : augmentation de sa fièvre et toujours plus grand tremblement, accompagné d’une grande…

douleur de tête et tensions fréquentes. Toutefois, il n’y avait aucune apparence de charbon, ni bubon. Ce que j’ai rapporté audit consul, après lui avoir toujours plus fort interdit ladite sortie de sa maison.

Plus, du 29 dudit, j’ai été requis par ledit Sr consul Bernard de m’en aller visiter le fils du Barbeiron, lequel j’ai trouvé atteint d’un bubon et un petit charbon à l’esmontoire du foie, du côté dret ; auquel j’ai interdit exactement la sortie de sa maison.

Le 30, de bon matin, suis encore été mandé par ledit Sr consul, pour l’état du susdit malade, lequel j’(ai) trouvé ayant une grande douleur (de) tête et porté porté (répétition) pour son char (bon)…

et bubon deux emplâtres, desquels emplâtres ne demande rien, sauf ma visite.

Plus, du premier septembre dite année, M°Jacques André et moi avons été requis pour aller à St Marcelin, voir la rentière de Monsieur le curé, laquelle était morte. Ce que nous avons fait, accompagnés de Sr Pierre Roure, pour lors capitaine de santé.

Et trouvé icelle couverte de tout ce que nous avons vu et exactement reconnu. Et ainsi avons rapporté pour mes payements.

Plus, du 29 ème juillet 1631, le Sr consul Bernard m’a prié de m’en aller , avec le Sr Garcin, pour voir et reconnaître le mal duquel être atteint Barthélemy Odou de Manibou. Et avons a icelui…

reconnu un charbon et partant, sommes levés faire notre rapport. Et l’instant où l’est allé faire, séparer et mettre au lieu que le conseil a trouvé à propos.

Plus, du 27ème, ai encore été mandé par ledit Sr consul Bernard, audit St Marcelin, avec ledit Sr Garcin, pour voir la veuve de Sr Jacques Thiers, à la quelle avons trouvé un charbon. De quoiavons fait rapport et après, le conseil a fait mettre icelle avec ledit Odou, ou proche de lui.

Le présent rôle et parole, comptant trois feuillets et onze articles,se trouve monter / – à raison de une livre douze sols par chacun articles – ainsi qu’à été compté à Mrs Jacques Reynaud, Jacque André chirurgiens, comme aussi à Mr André Rancou appothicaire,

 ainsi qu’apert de leurs dates : celle dudit André du cinquième décembre 1631 et celle dudit Reynaud du quatrième février dernier passé, lesquels articles…

sont certifiés véritables par ledit Sieur Jacques André, consul moderne et Gaspard Bernard, consul lors de la dernière maladie contagieuse / à la somme de dix sept livres douze sols. Ainsi laissié (laissier = arreter un compte) par nous auditeurs promus et élus par la communauté, à l’assistance desdit Sr André consul et Sr Pierre Bernard autre consul moderne et de Mr Pierre Eyraud (pas sûr,ne correspond pas à la signature) secrétaire de ladite communauté, tous ci soussignés ce troisième jour du mois de juin mil six cent trente deux. André consul P.Bernard consul Illisible

Je suis payé de la susdite somme, au moyen D’un mandat que m’a été fait sur Pierre Febaud (ou Ferand ?) et Daniel Bandol, exacteurs des Tailles, de laquelle les quite au moyen Dudit mandat, ce quatrième juin mil six Cent trente deux Reynaud